L'impôt, oui mais... – DW – 28/06/2024 (2024)

Après les violences de ces derniers jours, un calme précaire règne au Kenya. La crise, on le rappelle, a débuté avec le souhait des autorités de faire adopter un projet de budget contesté. Un ambitieux budget 2024-25 tablant sur 4.000 milliards de shillings, soit 29 milliards d'euros de dépenses, et qui prévoyait des hausses d'impôts, notamment sur le pain et les carburants.

En proposant le texte, le gouvernement avait en effet fait valoir que les taxes étaient nécessaires pour redonner une marge de manœuvre au pays, lourdement endetté. Le projet de loi a certes été retiré par le président William Ruto, mais les violences qu'il a engendrées relancent le débat sur la question de la fiscalité en Afrique.

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La disparité du système fiscal en Afrique

L'impôt est prélevé de différentes manières: sur le revenu des particuliers, sur les bénéfices des sociétés, sur la consommation, ou encore sur les importations et les exportations de biens.

L'impôt constitue, en dehors de l'endettement, l'unique source de revenus pour financer les dépenses publiques et donc permettre à l'Etat de conduire sa politique. Et ceci que ce soit pour la construction d'écoles, d'hôpitaux ou toutes autres infrastructures publiques, ou encore pour financer des projets en faveur des populations.

Mais en Afrique, on observe beaucoup de disparités pour ce qui concerne les systèmes fiscaux.

"Il y a des pays qui ont réussi à concevoir un système de collecte relativement efficace" c'est ce qu'explique l'économiste Ibrahim Adamou Louché.

"L'impôt c'est un versem*nt obligatoire..."

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Selon l'expert "certains pays du Maghreb ont su développer des systèmes de collecte efficaces en les digitalisant ou en les prélevant de manière automatique au niveau des salaires. Pour les entreprises aussi, tout se fait de manière quasiment automatique, sous forme de prélèvements."

En ce qui concerne les pays d'Afrique subsaharienne par contre, il estime que beaucoup "ont encore des systèmes fiscaux défaillants" ces pays ont aussi"une économie informelle dominante" et "procèdent différemment. Ce qui rend la collecte peu efficace."

Selon l'économiste, le prélèvement de l'impôt dans le secteur informel, qui représente entre 30 % et 90 % de l'emploi non agricole en Afrique subsaharienne, ouvre la voie à de nombreuses dérives, comme la corruption des agents des impôts, les détournements ou encore l'évasion fiscale.

Mais l'économie formelle est aussi touchée, notamment au niveau des entreprises, les multinationales surtout, qui transfèrent leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, où les taux d'imposition sont quasiment nuls. Un manque à gagner pour les pays où ces entreprises ont leur activité.

Enfin, il y a les particuliers qui sont parfois réticents à s'acquitter de leurs impôts. Là encore, c'est un manque à gagner pour les Etats.

"Il y a une pression fiscale assez forte"

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Pour l'expert en gouvernance, Dany Ayida, cette attitude n'est pas étonnante.

"Cela peut être dû à la situation économique, à l'impact des impôts sur ces entreprises" explique-t-il tout en précisant qu'il y a "une pression fiscale assez forte sur les entreprises en Afrique".

Pour l'expert "il faut une bonne régulation qui permette d'imposer les entreprises en connaissance de cause, en sachant qu'elles sont en mesure de payer".

En ce qui concerne les particuliers, Dany Ayida estime que "la population voudrait bien aussi contribuer, mais elle veut aussi voir les effets des contributions qu'elle apporte."

Dans plusieurs pays africains, même lorsque les impôts sont collectés, les réalisations liées aux dépenses publiques, comme la construction d'infrastructures énergétiques, ne sont parfois pas à la hauteur des attentes des populations. Une critique qui est faite souvent aux dirigeants.

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Des bons élèves

Si la question de la fiscalité reste donc encore pas suffisamment organisée sur le continent, il y a tout de même quelques bons élèves.

" L'un des indicateurs qui permet de mesurer qu'effectivement un pays est bon en la matière, c'est notamment le ratio de collecte d'impôt sur le PIB (Produit intérieur brut). En terme de bons élèves, on peut citer la Tunisie (32 % en 2021), le Maroc, l'Afrique du Sud…"précise Ibrahim Adamou Louché.

A noter que l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, recommande un ratio de 20% pour répondre efficacement aux besoins des populations.

Mais pour attirer les investisseurs, certains pays, comme le Rwanda, offrent des conditions favorables pour les entreprises.

Réformer les systèmes fiscaux, pour une collecte plus efficace sur le continent, reste donc un impératif. Les experts dans ce domaine insistent par ailleurs sur l'importance de la redevabilité: rendre compte aux populations pour savoir où va l'argent des impôts.

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